🇺🇸 Pourquoi la Guadeloupe doit conquérir la côte Est des États-Unis maintenant
- Anthony Bardet
- 29 mars
- 10 min de lecture
La Guadeloupe se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Après des années de développement centré sur le marché hexagonal et l’Europe, un nouveau virage s’impose : celui de l’internationalisation ciblée, à commencer par l’un des marchés les plus puissants et dynamiques du monde… les États-Unis.
Notre participation remarquée au New York Travel & Adventure Show en janvier 2025 a permis de tester notre attractivité à la source, en rencontrant en direct les voyageurs américains, leurs attentes, leur curiosité — et parfois leur ignorance totale de notre existence.
Ce que nous avons observé est à la fois frustrant et extrêmement prometteur :
La Guadeloupe est largement méconnue du public américain.
Mais dès qu’elle est présentée, elle intrigue, séduit, et donne envie.
Le marché est immense : plus de 120 millions d’habitants sur la seule côte Est, avec un pouvoir d’achat élevé et une culture du voyage bien ancrée.
Notre position géographique est stratégiquement idéale : au cœur des Caraïbes, à moins de 4 heures de vol de New York.
Pourtant, nous n’existons pas encore dans l’imaginaire collectif américain. Contrairement à la Jamaïque, la République Dominicaine ou Aruba, la Guadeloupe n’est ni référencée, ni facilement accessible, ni activement promue aux États-Unis.
Le potentiel est immense, l’opportunité est maintenant. Il ne manque qu’une vision, de l’audace… et la volonté d’y aller jusqu’au bout.
Ce que nous avons vécu à New York n’était pas un simple coup d’éclat événementiel : c’était la démonstration concrète qu’il est temps d’investir sérieusement ce marché. Et que si nous ne le faisons pas… d’autres le feront à notre place.
🧭 Une île encore trop méconnue… mais qui séduit dès qu’on la découvre
Lors du New York Travel & Adventure Show 2025, le constat a été sans appel : la grande majorité des visiteurs américains ne connaissait pas la Guadeloupe.
Ni sa localisation. Ni son identité culturelle. Ni même le fait qu’elle fasse partie des Antilles dans la Caraïbe et encore moins qu'elle ait une influence culturelle française.
Et pourtant, chaque fois qu’on prenait le temps de leur expliquer notre archipel — sa diversité de paysages, sa culture vivante, son mélange francocaribéen, ses expériences uniques — les regards changeaient immédiatement.
« So it’s like... French, Caribbean, tropical, and safe ? That sounds perfect ! »
Cette méconnaissance initiale est une faiblesse... mais aussi une opportunité : car dès que la Guadeloupe est racontée avec passion, elle séduit. Le bouche-à-oreille démarre instantanément. Les visiteurs posent des questions, prennent des brochures, cherchent des vols. Ils veulent en savoir plus.
Ce qui les a le plus frappés ?
La richesse des paysages : plages, cascades, volcans, forêt tropicale…
L’alliance unique de culture créole, caribéenne et influence française
La gastronomie (entre cuisine antillaise, produits frais, rhums, street food)
L’ambiance chaleureuse des bars de plage et villages authentiques
Le carnaval, les musiques, les danses et les traditions vivantes
Et surtout… le fait que tout cela soit à moins de 4 heures de vol de New York !
La Guadeloupe n’a pas besoin d’être réinventée. Elle a simplement besoin d’être révélée.
Ce décalage entre ce que la Guadeloupe est réellement et l’image (ou l’absence d’image) que s’en font les Américains représente l’un des plus gros leviers de croissance touristique à venir.

✈️ Moins de 4h de New York… mais (presque) invisible dans les airs
L’un des éléments qui a provoqué le plus de surprise – et d’enthousiasme – chez les visiteurs américains à New York a été notre proximité géographique.
“Wait… you’re only 4 hours away from here?”
La Guadeloupe est en effet à moins de 4 heures de vol de New York. Une durée comparable à un vol pour la Floride, ou certaines îles des Bahamas. Et pourtant, aucun vol direct ne relie actuellement New York, Boston, Philadelphie, Washington D.C. ou Atlanta à Pointe-à-Pitre. Seule Miami reste connectée… de façon limitée.
Ce défaut de connectivité aérienne est l’un des plus grands freins à notre développement touristique international.
Pourquoi c’est un problème stratégique :
Les voyageurs américains privilégient la simplicité, la rapidité, et le confort.
Chaque escale ou complexité de vol affaiblit la compétitivité d’une destination.
Les agences de voyage, tour-opérateurs et compagnies aériennes ne proposent que les destinations bien desservies.
En d’autres termes : Même avec les plus belles plages du monde, une gastronomie d’exception et une culture unique, si on n’y accède pas facilement, on n’y va pas.
Une incohérence stratégique
Il est paradoxal que la Guadeloupe, territoire français, bénéficiant de la stabilité de la zone euro, de services de qualité et d’un cadre idyllique, ne soit pas connectée aux grandes métropoles de la côte Est des États-Unis, alors même que des destinations bien moins développées le sont.
À l’inverse :
La Jamaïque, Sainte-Lucie, Aruba, Curaçao ou encore la République Dominicaine disposent de plusieurs vols quotidiens vers les USA.
Certaines îles plus petites, comme les îles Turques et Caïques, bénéficient de liaisons directes régulières avec plusieurs villes américaines.
Même les Antilles néerlandaises ont sécurisé des accords avec JetBlue, Delta, ou American Airlines pour leurs dessertes saisonnières.
📊 Analyse comparative : Guadeloupe vs Destinations caribéennes concurrentes
Destination | Visiteurs US annuels | Budget marketing US (€/an) | Stratégies clés |
République Dominicaine | 3 000 000 | 15 M€ | Vols directs multiples, campagnes TV, all-inclusive |
Jamaïque | 1 700 000 | 12 M€ | Partenariats célébrités, forte présence médiatique, offre culturelle |
Aruba | 800 000 | 8 M€ | Positionnement premium, marketing digital, programme fidélité |
Sainte-Lucie | 250 000 | 4 M€ | Niche luxe, partenariats influenceurs, expériences exclusives |
Saint-Barthélemy | ~130 000 | 2 à 3 M€ | Luxe exclusif, très forte notoriété auprès des UHNW américains, micro-influence, réseau travel advisors |
Guadeloupe (actuel) | < 10 000 | < 0,5 M€ | Efforts sporadiques, absence de stratégie cohérente |
📌 Sachant que les américains dépensent en moyenne 4500€/personne sur un voyage, 50k voyageurs américains en Guadeloupe = +225M€ de recette... et 50k est une estimation basse.
Ce qu’il faut changer
La mise en place d’un vol direct saisonnier (puis annuel) entre New York (JFK ou Newark) et Pointe-à-Pitre doit devenir une priorité stratégique.
Cela implique :
Une offre attractive pour l'installation des compagnies aériennes ouvrant des lignes depuis la côte Est des USA
Une campagne de co-marketing (destination + compagnie : que l'on a su faire avec Air Belgium dans le passé)
Un engagement institutionnel fort (CTIG, Région, Aéroport, prestataires)
Une visibilité accrue sur le marché (salons, campagnes, influence)
Ce qu’on peut en attendre
Une hausse immédiate des intentions de voyage
Une meilleure intégration de la Guadeloupe dans les packages US
Un accès simplifié pour les diasporas caribéennes de New York
Une fréquentation hors saison plus soutenue (car les américains voyagent toute l'année)
Un effet d’entraînement auprès des autres compagnies long-courrier
La connectivité, ce n’est pas un détail technique. C’est la condition d’entrée sur le marché. Tant que la Guadeloupe n’est pas visible dans les airs, elle restera invisible dans l’esprit des voyageurs américains.
📊 Un marché immense… à portée d’aile
Quand on parle du marché américain, il est facile d’avoir en tête des chiffres abstraits. Mais si l’on zoome sur la côte Est des États-Unis, là où se concentrent les grandes métropoles, les hubs aériens et les populations les plus voyageuses, on découvre un potentiel d’attractivité hors normes pour la Guadeloupe.
Une densité urbaine exceptionnelle
Sur la seule côte Est, on retrouve plusieurs des villes les plus peuplées, riches et connectées du pays :
Ville | Population (aire urbaine) | Aéroport principal |
New York | +20 millions | JFK / Newark / LaGuardia |
Washington DC | +6 millions | IAD / DCA |
Boston | +5 millions | Logan |
Philadelphie | +6 millions | PHL |
Miami | +6 millions | MIA |
Atlanta | +6 millions | ATL (le plus fréquenté des USA) |
📌 Population totale de la côte Est : +120 millions d’habitants
Un pouvoir d’achat parmi les plus élevés du monde
Le panier moyen d’un voyageur américain à l’international est estimé à 4 500 €
Les voyageurs des grandes villes de la côte Est (notamment New York, Boston, Washington) dépensent en moyenne 10 à 20 % de plus
Le segment des familles CSP+, jeunes actifs urbains et retraités aisés est surreprésenté
Une culture du voyage bien ancrée
Les Américains voyagent souvent et toute l’année
Leurs vacances ne sont pas concentrées en juillet-août, ce qui permettrait à la Guadeloupe de lisser sa saisonnalité
Ils cherchent des destinations “all-in-one” : soleil, sécurité, expérience culturelle, confort, authenticité
Et pourtant… nous sommes absents
Contrairement à la Jamaïque, la République Dominicaine, Aruba, ou même Sainte-Lucie, la Guadeloupe n’est ni visible, ni référencée, ni vendue sur ce marché.
Alors que :
Nous sommes à moins de 4h de vol de New York
Nous sommes français (donc européens), avec la sécurité, les services, l’euro
Nous avons une double identité : créole et française, qui plaît énormément
📌 La Guadeloupe coche toutes les cases, mais n’apparaît dans aucun classement, aucun radar, aucun contenu ciblé sur les USA.
Le public est prêt à réserver. Encore faut-il qu’il sache qu’on existe.
Le marché est immense, accessible, et prêt. La Guadeloupe n’a aucun déficit d’attractivité. Elle souffre simplement d’un déficit de visibilité, de connectivité, et de promotion ciblée.

🎯 Ce que recherchent les voyageurs américains
La participation de la Guadeloupe au New York Travel & Adventure Show a permis de capter, en direct, les attentes réelles des visiteurs américains – des seniors curieux, des familles aisées, des jeunes actifs branchés, tous en quête de nouvelles expériences. Voici les grands leviers d’attraction identifiés pour capter leur attention (et leur réservation).
1. L’accessibilité : vols simples, directs ou bien connectés
Le critère n°1 évoqué par les visiteurs : "How do we get there?"
S’il n’y a pas de vol direct ou si le parcours semble compliqué, la destination est éliminée d’office.
Ce qu’ils veulent :
Vols sans escale ou avec une seule correspondance rapide
Durée de vol inférieure à 5 heures
Départ depuis un grand aéroport (JFK, Newark, DC, Boston, Atlanta...)
2. Une immersion sensorielle et émotionnelle immédiate
Les Américains sont très sensibles à l’expérience au sens large : ils veulent sentir, goûter, voir, entendre et ressentir une destination avant même d’y poser les pieds.
Ce qui fonctionne très bien :
Stands immersifs (musique, danse, gastronomie, rhum, couleurs)
Contenus vidéo authentiques (vlog, témoignage, drone, ambiance locale)
Sensations “différentes de tout ce qu’on connaît” : nature, culture, vibe créole
À New York, le stand de la Guadeloupe a cartonné parce qu’il racontait une histoire vivante — pas juste une brochure posée sur une table.
3. Des destinations sûres, authentiques, “hors radar”
Le public américain est lassé des “usines à touristes”. Il recherche des expériences nouvelles, sincères, non standardisées, avec un équilibre entre confort et culture locale.
Ce qu’ils cherchent en Guadeloupe :
Authenticité sans sacrifier le confort
Une vraie culture (pas juste du soleil et des cocktails)
Une destination sûre, accessible aux familles, aux couples, aux seniors
4. Une narration claire, structurée, en anglais
Même si la barrière de la langue n’est pas un problème en soi, les voyageurs américains ont besoin de contenus lisibles et rassurants dans leur langue : sites, brochures, vidéos, offres packagées, avis clients, FAQ, Instagram/TikTok...
Ce qu’ils attendent :
Un site de destination clair et moderne (en anglais US)
Des contenus sur les expériences locales (culture, food, activités)
Des offres concrètes, simples à réserver
5. Une vraie atmosphère “feel good”
Ils ne veulent pas seulement “aller quelque part”. Ils veulent ressentir une vibe. La Guadeloupe a cette chaleur humaine, ce charme créole, ce rythme unique qui touche les Américains… dès qu’ils y goûtent.
🚧 Ce qu’il nous manque aujourd’hui
La Guadeloupe a tous les atouts pour séduire le public américain : climat, culture, gastronomie, sécurité, authenticité, statut français. Mais dans la réalité du marché, les fondations pour s’imposer sur la côte Est des États-Unis ne sont pas encore en place.
Voici les principaux points de blocage à lever rapidement :
1. L'absence de liaisons directes (hors Miami)
Le frein majeur aujourd’hui.Il n’existe aucune liaison aérienne directe entre Pointe-à-Pitre et les principaux hubs de la côte Est tels que :
New York (JFK, Newark)
Boston
Philadelphie
Washington DC
Atlanta
🚫 Résultat : les voyageurs américains doivent combiner 2 à 3 vols, avec des horaires peu pratiques et des escales longues. Un non-sens pour une destination située à moins de 4h de vol.
2. Une présence trop timide dans les salons touristiques US
La participation au New York Travel & Adventure Show 2025 était un événement isolé, alors qu’elle devrait marquer le début d’une stratégie de présence continue.
📌 Aujourd’hui :
Aucune présence récurrente sur les grands salons américains (Miami, DC, Boston, Atlanta…)
Un circuit peu structuré de prospection B2B auprès des agences américaines (par manque de ressources)
3. Un budget marketing international insuffisant
Actuellement, la promotion de la Guadeloupe se concentre presque exclusivement sur le marché hexagonal et parfois le Canada.
Résultat : la destination est totalement absente de la sphère médiatique américaine.
4. Des contenus numériques non adaptés aux voyageurs US
Même les voyageurs intéressés peinent à trouver :
Des informations claires en anglais
Des offres packagées compréhensibles et faciles à réserver
Des visuels et vidéos calibrés pour le marché nord-américain
🚫 Peu de site dédié au marché US
🚫 Peu de storytelling sur la Destination en anglais sur les réseaux
5. Faible stratégie d’influence ciblée USA
Alors que des destinations caribéennes (comme Aruba, la Jamaïque ou Curaçao) travaillent avec des influenceurs américains puissants, la Guadeloupe n’a aucun ambassadeur connu ou activé sur ce marché.
🚫 Trop peu de séjour presse ou influence prévu
🚫 Trop peu de partenariat avec des créateurs afro-américains ou familles voyageuses
🚫 Pas ou peu de présence dans les médias afro-US comme Essence, BET, Afropunk ou Blavity
6. Une absence de coordination entre les acteurs locaux
Pour réussir à séduire les Américains, il faut une stratégie commune entre :
Le CTIG
Les compagnies aériennes
L’aéroport
Les agences réceptives
Les hôteliers
Les prestataires touristiques
📌 Or aujourd’hui, chaque acteur agit de manière isolée, sans plateforme d'action commune ni feuille de route partagée.

Conclusion : ce n’est pas un problème d’attractivité. C’est un problème de stratégie.
La Guadeloupe a le potentiel d’être une destination iconique dans le regard des Américains — à la fois dépaysante, authentique, sûre et proche... Mais tant qu’elle ne se donnera pas les moyens d’exister stratégiquement sur ce marché, elle restera dans l’ombre de ses voisines, alors même qu’elle a bien plus à offrir.
L’incohérence n’est pas dans l’offre. On a une pépite entre les mains... Mais on la garde cachée comme un secret mal gardé.
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